Aujourd'hui commence notre premier Workaway. Pour les non-initiés, c'est un dérivé de l'exploitation salariale capitaliste, où en échange de notre force de travail prolétarienne, louée cinq jours par semaine pendant cinq heures, on nous fournit nourriture et logement. C'est un moyen sympa de rencontrer des gens et de nous poser à un endroit. On va aider, dans notre cas, Marius et Sylwia, un couple de polonais qui habitent, pendant l'été, l'île de Lefkada, à l'ouest de la Grèce (mais accessible par un pont, ce qui est bien pratique pour notre périple en van. On a rendez vous à Lefkada town avec Marius à 9h30. Il est attablé à un café avec son frère, qui habite lui aussi ici. On discute un peu de notre voyage, et puis on part tous les trois dans le trafic vers leur village, dans le sud de l'île. En chemin, Marius nous explique un peu leur mode de vie. Iels sont saisonniers l'hiver à Chamonix depuis quelques années, où Marius transporte des touristes à l'aéroport, et Sylwia est serveuse, et donne aussi des cours d'art. L'été iels le passent ici, à Lefkada, à rénover leur maison dans le village abandonné de Roupakias, où iels sont les seuls habitants. Ils vivent en attendant dans une caravane rapportée de France, et ils ont une tente pour accueillir les volontaires. La douche est dehors, les toilettes sèches aussi. Marius a passé 10 ans au Colorado , et ça se sent dans sa façon de raconter les histoires, à la fois très posée et assez captivante, il va au fond des choses. Il a plein d'anecdotes sur les Grecs, leurs magasins de bricolage, comment iels ont acquis le terrain.. LA route est belle, l'île est montagneuse, et ça tourne beaucoup. En arrivant, on rencontre Sylwia, hyper enthousiaste, très sympa aussi, et Rudy, le chien, qui est aussi accueillant pour peu qu'on l'ignore au premier contact (Marius tient beaucoup à cette théorie). Le lieu est un petit coin de paradis, lové au pied des montagnes, dans une végétation luxuriante de figuiers, cyprès, oliviers.. Il y a d'abord la petite caravane, toute mignonne, et qui nous semble une bien grande maison par rapport à notre van, et puis l’extérieur, très vert, plein de déco sympa, avec les maisons en ruine couvertes de lierre. Un petit espace pour manger sous les figuiers, avec un hamac. Un peu plus bas, la maison qu'iels retapent, et qui vient d'avoir un toit, deux jours plus tôt (avec des poutres en cyprès que Marius a coupé lui même dans les environs) ; elle servira de pièce commune aux futurs volontaires. En haut, une maison plus grande, en ruines, où ils veulent à terme habiter et faire un studio d'art pour Sylwia. De l'autre côté de la route, où passent une voiture ou deux par jour, un petit pont enjambe une rivière, malheureusement à sec, mais qui doit être magnifique au printemps, vu comment l'eau a creusé un canyon dans la roche blanche, il doit y avoir de belles cascades. Même les toilettes sèches sont belles : à travers la porte, un miroir sans teint permet de voir les montagnes quand on est assis sur le trône en bois. Dans le jardin, citronniers, oliviers, figuiers, grenadier, noyer..c'est un pays de cocagne. On commence notre travail par prendre un brunch, œufs, tomates, avocats, olives grecques à l'ancienne, marinées pendant un an dans l'eau de mer.

C'est simple, mais très bon, et on comprend que les commentaires qu'on avait lu sur la cuisine de Sylwia ne sont pas usurpés. On se sent tout de suite bien, comme à la maison. Après manger, on se met au boulot. C'est la fin de la saison, et dans deux jours la pluie doit arriver, pas mal de trucs à rentrer à l’intérieur d'ici là, dont le plus chiant sera la tente des volontaires, donnée par un facteur français, et qui date des années 70. Il faut aussi tailler un mûrier platane, et brûler plein de bois mort. C'est physique, mais tellement sympa d'être torse nu, perché dans un arbre, fin novembre, avec la vue sur les montagnes et la forêt. Le feu c'est moins sympa, vu l'odeur de fumée. Cocasse d'avoir du bois à brûler à n'en plus pouvoir, après avoir passé un mois à en chercher partout sur les plages pour nos feux du soir.. Bref après 2h de travail, les premières ampoules apparaissent sur nos mains d'intellectuels qui n'ont jamais travaillé. On travaille jusqu'à 18h, le soleil se couche déjà (saloperie d'heure d'hiver). Petite douche froide mais sympa, dans le lierre, et excellent dîner : plein de plats différents, ça nous change de nos recettes dans une seule casserole dans le van. Aubergines et courgettes frites, boulgour complet à la polonaise, bien épais, et super salade avec des grains de grenade et des plantes aromatiques du jardin. Sylwia part pour Lefkada town pour un cours de permaculture, mais on est trop crevés pour la suivre et prendre un verre en l'attendant. On reste à discuter autour de la table avec Marius, de tout et de rien - dont de l'éducation de Rudy, pas mal – avec toujours ce ton posé si agréable. On met notre petit trafic sur le pont au dessus de la rivière, seul endroit plat, attention au pipi nocturne, et on s'endort sous un ciel étoilé magnifique.