Aujourd'hui, arrivée à notre troisième workaway ! Direction la « Hobbit House» au village de Barbaros, situé sur la péninsule de Cesme, sur la côté Égéenne de la Turquie. On ne sait pas bien précisément ce qu'on va y faire, mais le cadre est enchanteur. Un paysage méditerranéen, qui rappelle la Grèce : des collines couvertes d'arbustes touffus, d'oliviers, de pins, où affleurent parfois des rochers. Sauf qu'ici, dominant la place du village bordée de plusieurs cafés, les minarets remplacent les clochers. Les même maisons blanches, aux murs inégaux, des chiens et des chats..mais aussi, bizarrement, des marionnettes à tous les coins de rue, qui semblent être les seules habitant.es dans ces rues un peu vides.

On trouve sans problème le café, indiqué dans le village. On y pénètre par une porte violette, et on découvre une cour intérieure toute mignonne avec des tables dépareillées, des lampes colorées, des vieux vélos, des perruques afro bleu électrique... Murat et Sinem, qui nous accueillent, ont tout décoré avec des objets de récup'. A l'intérieur de la vielle maison, c'est aussi un sacré bric à brac. Deux pièces, une petite cuisine bien encombrée, et une salle à manger aux murs en pierre, couverts de coupures de presse sur le café, de pots d'herbes séchées, de vieux livres, petites poupées... Murat et Sinem ont aussi un look raccord avec la déco : lunettes rondes roses ou rouges sur le nez, vestons à fleurs, chaussettes colorées. L'atmosphère est accueillante, néo-baba-cool dirons nous, et Nina Simone dans les enceintes. Après les présentations – sans oublier les deux chats, Frodo et Chico (Chico Frederico Gonzales Subcommandante Marcos, complète Murat), et le chien un peu foufou, Hera, on en apprend plus sur le lieu. C'est la troisième « Hobbit House » qu'iels ouvrent. Le principe : servir des petits déjeuners turcs (le « petit » déjeuner en famille est une tradition en Turquie, on y reviendra plus tard), à base d'ingrédients locaux. Les bénéfices sont réinvestis pour les enfants du coin : Murat et Sinem ouvrent des bibliothèques/salles de jeu dans les villages, achetant crayons et cahiers. Les clients du café sont aussi invités à amener au café les bouquins et jouets dont iels ne servent plus, et ils sont dispatchés ensuite dans les bibliothèques (et notre van sera bien utile pour le transport). Iels en sont à leur 26ème ! C'est un petit bout d'utopie « Utopia, my project, good project ! » comme dit Murat dans son anglais assez limité.

Notre première mission, justement, est d'aider Murat à arranger une pièce qu'il veut transformer en librairie de livres d'occasion. Toute petite pièce, où les bouquins et les objets hétéroclites s'entassent un peu partout du sol au plafond. On bricole une étagère dans une valise, cloue des caisses en bois aux murs pour y mettre des livres.. difficile d'imaginer que tous les livres vont trouver un place, mais on se laisse ça pour les jours prochains. La seule vraie bizarrerie au milieu de ce tas d'étrangetés, c'est la place accordée à Atatürk.. entre les livres et les portraits, il doit être en 50 exemplaires dans la maison. On le fait remarquer à nos hôtes (don't follow leaders, watch the parking meters!) qui nous expliquent qu'il est un symbole d'ouverture en Turquie, qu'il a amené la démocratie, les droits des femmes...on n'est pas complètement convaincus, mais bon, tout s'arrange avec une bière au coin du brasero, dehors. On mange ensuite un merveilleux dîner cuisiné par Sinem : une soupe lyophilisée faite maison, pour l'hiver, tomates/olives/poivrons/yaourt, censée soigner toutes les maladies de saison. Puis du riz aux poireaux et des queues de betteraves cuites à l'huile d'olive (pensez-y, rien ne se jette!). On migre ensuite vers leur maison, en haut du village. Toute simple, deux pièces, un poêle à bois pour se chauffer..mais un grand écran blanc et un rétro-projecteur, pour pouvoir regarder des films au coin du feu le soir, avec pop-corns faits maison ! On commence par une série policière turque, pour approfondir nos connaissances linguistiques. Le personnage principal est un tueur atteint d'Alzheimer, et il faut croire que c'est contagieux, car on oublie immédiatement tous les mots qu'on apprend.

Le lendemain, première matinée au café ! Ce n'est pas encore le week-end et il y a peu de monde en semaine en hiver, heureusement parce qu'on a un peu loupé le réveil. Après nous avoir expliqué la routine du matin (allumer les poêles, passer un coup sur les tables et au sol, faire le thé) Sinem nous prépare un petit déjeuner (kahvalti) pour nous montrer ce qu'on va devoir servir aux clients. Le terme « petit » déjeuner n'a jamais semblé aussi peu approprié ; la table se couvre d'une myriade de petits plats hauts en couleurs : tahini dans toutes ses variations, confiture de poivron épicée, pommes de terres au four, olives marinées sur place, pichis (beignets turcs), fruits au sirop, labné saupoudré de lavande, assiette de crudités, fromage turc, omelette, pain grillé, écrasé de tomates.. Ça remplit le ventre au réveil ! Pour faire descendre tout ça, on boit du thé noir, à la turque, c'est à dire préparé très concentré et re-dilué avec de l'eau chaude pour chaque tasse. Et puis pour finir un café turc bien dense. Pas l'temps de digérer, nos premiers clients arrivent ! On va préparer leur petit déjeuner avec Sinem, histoire d'apprendre de la maîtresse, car la semaine prochaine, elle part rendre visite à ses parents, et les gros-petit déjeuners seront préparés par nos petites mains. Fred et Antoine seront ils à la hauteur de leur tâche herculéenne ? La réponse au prochain épisode..