Il a bien plu et soufflé cette nuit, mais le soleil est de retour ce matin et Roman, toujours de bonne humeur, n'a pas l'air embêté par sa nuit humide, tout en mettant tout son linge à sécher autour de sa tente. On profite un peu du soleil et de la vue avant de se remettre en route. N'ayant pas encore de réponse sur CouchSurfing, on se décide à n'aller à Patras que demain, on déposera Roman près de l'autoroute qui y mène, au niveau d'Atoliko. Poursuivant sur sa lancée d'hier, la route longe la mer au milieu des oliviers et des troupeaux de chèvres (ou l'inverse, souvent, des troupeaux de chèvres au milieu de la route). On quitte la mer ionienne pour bifurquer vers l'est, d'abord à travers des montagnes, puis on débouche sur une grande plaine agricole, couvertes d'immenses vergers d'agrumes. On s'arrête, sous l'impulsion du gamin, pour cueillir (voler est un bien grand mot) de grosses oranges, l'odeur, vraiment intense, emplit tout le trafic.

On arrive ensuite à Atoliko. La ville est située sur une petite île au fond de la lagune de Missolonghi, reliée de deux côtés à la terre par deux petits ponts qui émergent à peine un mètre au dessus de l'eau. Sur toute la longueur des deux ponts, des pécheurs grecs, de ceux là qui ne vont pas à la messe le dimanche matin pour taquiner le poisson. Et même le pope est là, tout se perd ma petite dame. On dépose Roman près de l'autoroute et revenons au centre-ville. C'est dimanche midi, les terrasses des cafés sont pleines. Sur la place principale, devant l'église, des cafés un peu chics et des familles toute apprêtées, en habits du dimanche. Les cafés continuent dans une rue qui s'éloigne, et deviennent moins prétentieux, peuplés de vieux grecs dégustant de petits tapas avec leur bière ou leur ouzo, ou jouant au backgammon. Après un petit pique nique en bord de lagune, on revient s'attabler pour s'imprégner de l'ambiance en jouant aux locaux : deux cafés freddo1 (pas trop le choix, vu l'anglais de la serveuse), et une bugatsa de la boulangerie du coin. Car ce qui fait chaud au cœur, en Grèce, à part les cafés plein de vieux grecs au charme éternel, peau brunie par le soleil, costumes vieillis et fiers cheveux blancs, ce sont les boulangeries. Toujours remplies de mille gâteaux secs, chocolats, baklavas, et de grosses miches de pain bien farinées, sans oublier les variations sur le thème des feuilletés à la feta... Et bien sûr la reine des boulangeries grecques, la bugatsa : une pâte fillo, fourrée de crème à la vanille, et parsemée de sucre glace et de cannelle. Une par jour, c'est la santé.

Revenons à notre terrasse, où la double dose d'expresso du café freddo fait battre le sang à nos tempes. Heureusement, le soleil de Novembre caresse doucement la peau, et incite à la détente en admirant les petits vieux qui débattent d'on ne sait quoi (notre connaissance de la langue grecque étant limitée). Quand on se remet en route, le café aidant, la conduite est sportive et on chante à tue tête (Jean-jacques aidant sur ce point). Le trafic enfile comme une perle les petits villages de la rive nord du lac Trichonida, ou partout les cafés sont pleins, parfois les souvlakis grillent, et les petits vieux discutent. Le lac, très grand, est entouré de montagnes au nord et à l'est, nous allons dormir de ce dernier côté, où elles plongent le plus dans l'eau. La route pour accéder à la plage où nous voulons passer la nuit, en lacets et graviers surplombant le lac, est dantesque, mais la vue magnifique. En bas, c'est un petit coin de paradis : une petite plage de galets blancs, bordée d'oliviers sous lesquels on se gare. L'eau est fraîche, mais la baignade fait vraiment du bien. Ricochets, lectures... A cause du vent qui s'est levé, on passe la soirée à l’intérieur, et on prépare une courge butternut au cumin et gingembre en toute simplicité. On ressortira quand même admirer le lac éclairé par la pleine lune.


1 : le café freddo est le grand classique des cafés grecs. C'est un café frappé, froid donc, avec une double dose d'expresso, et de la crème au dessus. C'est tout un procédé pour le boire, expliqué par Mariush à Lefkada, en mélangeant petit à petit la crème au café en dessous.